Depuis plusieurs années, je n’utilise plus de protection lors de mes règles, cela vous étonne?
Je voudrais parler d’un sujet tabou, qui s’expose pourtant tous les jours dans les journaux, à la télé et dans les supermarchés. Un bien de consommation destiné aux femmes, sous plusieurs gammes, couleurs, formes et techniques, mais dont on ne proposerait jamais de se passer !
Je pense bien-sûr aux protèges-slip, tampons et mooncup, et j’aimerais parler de leur alternative gratuite et autonome, la connaissance de son corps : l’écoute, la maîtrise ou la musculation plus ou moins inconsciente de muscles internes ainsi que, légèrement, du périnée.
Culturellement, le sang des règles était considéré comme une maladie par les médecins1 et comme un signe d’impureté par l’Eglise. Aujourd’hui, toujours tabou ou anti-sexy, les menstruations doivent être cachées : avec l’industrialisation et l’apparition des sous-vêtement et vêtements courts, les tampons et serviettes jetables apparaissent dès 1930 et 1960. Pourtant, au moyen-âge, les femmes portaient de longues jupes, en général sans sous-vêtements ni protection intime pour les règles2.
Aujourd’hui, dans nos vies de femmes, « pour nous servir » un marché de plusieurs milliards (359 000 000 € en 2003 en France), qui nous propose des produits qu’on ne peut pas fabriquer nous-mêmes et dont nous tendons à être dépendantes. Ces produits industriels contiennent souvent des substances chimiques et nous sommes tenues de les garder en contact avec nos muqueuses pourtant très perméables, une porte ouverte dans notre corps.
En moyenne, ce sont 10 000 à 15 000 protections jetables dans une vie. Résultat, des tonnes d’eau et de pesticides pour la production du coton, puis des tonnes de déchets.
Ainsi, en plus de nous coûter de l’argent, de la pollution et du stress (quel drame de n’avoir pas de protection quand les règles commencent!), nous risquons également des allergies, irritations, ou encore le fameux « choc toxique » expliqué dans la notice des tampons « hygiéniques » et qui a tué de nombreuses femmes. Tant de réjouissances dont on se passerait bien si on avait le choix.
Et bien ce choix, nous l’avons !
Ce ne sont pas les « spécialistes » des couches et tampons pour femmes qui vont nous le dire, ni même les écoles, pourtant, à la base, avoir ses règles, c’est gratuit. Certaines femmes ont décidé de se passer de tout cet arsenal et ont alors développé leurs propres capacités.
Devenir autonome, c’est pouvoir faire l’expérience d’une libération lorsqu’avant on pouvait dépendre d’un bien de consommation ou qu’on ne savait pas comment gérer une situation ou remplir un besoin par sa propre capacité. Pour devenir autonome, on peut augmenter ses propres facultés.
En ce qui concerne les menstruations, on peut toutes, sauf exception, apprendre à maîtriser l’écoulement des règles vers l’extérieur. Aux Etats-Unis, il existe un mouvement appelé « free flow instinct », le flux libre instinctif. C’est ce que je souhaite partager avec vous ici, d’après ma propre expérience fortuite.
J’ai commencé à me passer d’arsenal anti-règles sans savoir que c’était possible, c’était le simple hasard d’une sortie sans « équipement », une balade à la montagne et l’imprévu de mes règles qui arrive ! J’étais bien embêtée ce jour là de me retrouver dans la nature sans aucun tampon ni serviette. J’étais loin de chez moi, j’ai continué à marcher en espérant ne pas avoir trop de tâches.
Sans protection ou assistance, mon corps a pris le relais ; et au moment de rentrer le soir, là où je m’attendais à une énorme catastrophe rouge, il n’y avait qu’une petite tache. Je décidais donc de continuer l’expérience les jours suivants, chez moi, pour voir si cela continuait de fonctionner. Et ça a marché !
Dès lors, j’ai continué à me passer de protection. Je terminais mon master cette année là. Il me suffisait d’aller aux toilettes entre mes cours, dès que je le sentais nécessaire. Maintenant, au fil du temps ma maîtrise s’affine, je peux dormir sans aucune « protection » ni soucis (parfois en me levant une fois dans la nuit, les deux premiers jours).
Si j’écris cet article c’est pour partager mon plaisir de sentir et de développer une faculté personnelle et naturelle ! On a également une grande satisfaction à prendre le contrôle tout en apprenant à écouter son corps ! Enfin quelle liberté de n’avoir plus à se soucier d’acheter des produits, à les utiliser, à les avoir sur soi quand il faut…
Imaginez une société où les parents n’apprendraient pas à leurs enfants à se passer des couches, on devrait en porter toute notre vie ! Dans ce sens, les femmes adultes restent dépendantes un quart de leur temps, une semaine par mois, d’une industrie qui leur « facilite » la vie et leur enlève toute idée d’autonomie.
Ironie du sort, la faible musculature du périnée serait aussi liée à l’incontinence, un problème qui touche principalement les femmes ! Ainsi, après la ménopause, les protèges-slip sont parfois remplacés par des couches pour pertes urinaires !
Il y a peut-être encore d’autres raisons (pratiques, philosophiques, politiques, écologiques, hygiéniques, économiques, sanitaires) d’apprendre à maîtriser ses règles mais je ne vais pas écrire une thèse, à chacune d’expérimenter elle-même, si elle en a l’envie ou la curiosité !
Comment passer à l’action?
La méthode est simple: le mois prochain, si vous êtes chez vous ou dans un endroit tranquille équipé de toilettes, ou dans la nature sauvage, ne mettez simplement pas de protection valable (porter des sous-vêtements noirs et un pantalon ou une jupe noire, un peu de papier toilettes ou un tissu à laver). L’idée est que vous soyez conscientes de n’avoir pas de protection habituelle valable, pour que votre corps prenne le relais. Les muscles finissent par se contracter inconsciemment (sans exagérer, c’est pas du fitness).
Je ne suis pas scientifique, et j’aimerais beaucoup en savoir plus sur comment cela fonctionne. Ainsi, je ne peux parler que de mon expérience personnelle.
Au début, je croyais que le muscle que j’utilisais était le périnée. Après avoir re-observé mon ressenti et discuté avec une amie étudiante en médecine, je pense maintenant que le périnée n’est pas fondamental dans la continence des règles. A mon avis, plusieurs muscles interviennent. Le col de l’utérus tout d’abord, ou peut-être d’autres muscles en hauteur, puis, seulement au dernier moment, le périnée. C’est pourquoi je sens que le sang ne coule pas de manière continue mais par phases. Il semble retenu en hauteur, puis s’écoulerait jusqu’à la sortie, là, le périnée peut le retenir enfin, mais très peu de temps, juste assez pour filer aux toilettes !
Ainsi, lorsque vous tenter de contracter à l’intérieur durant vos règles, au bout d’une heure ou de plusieurs heures, vous sentez qu’il y a du sang à évacuer, de même que vous le sentez lorsque vous voulez faire pipi. À ce moment, allez aux toilettes et délassez-vous.
La confiance augmentant, la nuit, le flux se met souvent au repos, de même que vous ne faites pas pipi au lit. Vous pouvez avoir envie de mettre un linge sur votre lit au cas où, ou du papier ou une autre faible protection. La capacité des muscles lorsqu’on les utilise est impressionnante, par exemple, en dormant, j’ai rarement des taches sans protection, alors que le sang semblait couler plus fort la nuit, avec les serviettes industrielles, lorsque j’en utilisais ! C’est comme si le sang coulait davantage quand il y a une protection, ça m’a beaucoup étonnée lorsque je l’ai constaté.
En moyenne, je dirais qu’il faut aller 5 à 8 fois aux toilettes le premier et le deuxième jour, ou toutes les 1, 2 ou 3 heures, et les jours suivants ce sera surtout le matin au lever et en allant faire pipi.
J’ajoute qu’il n’y a pas d’odeurs, vu que le sang ne macère pas dans du plastique, ce qui est très agréable par rapport aux serviettes dites « hygiéniques ». Pour moi, ce qui est magnifique avec cette méthode, c’est que le sang reste propre, au lieu de devenir un déchet sur un tampon ou une serviette.
Est-ce dangereux?
Vous pouvez vous demander si c’est dangereux, j’ai posé la question à ma gynéco, elle a dit que je musclais mon périnée ce qui est était une très bonne chose. Pour ma part, je considère que retenir son sang quelques heures, n’est pas plus grave que de retenir son pipi. Si nous vivions dans la nature on n’aurait rien à retenir. Dans les tampons et les mooncup le sang reste également dans le corps et beaucoup plus longtemps. D’autre part, si les muscles le permettent, de manière naturelle et sans efforts (si ce n’est un effort idéologique) alors je ne vois pas de danger, et même au contraire, nos capacités sont là pour être utilisées ! D’ailleurs, pour moi cela se passe à merveille.
Enfin, cela évite d’introduire des objets qui peuvent ne pas être totalement propres dans son corps. Cela évite aussi d’avoir en soi, pendant des heures, des tampons blanchis au chlore et laissant des résidus de dioxine (considéré comme cancérigène par l’OMS). Ces substances sont accumulées dans le corps car les muqueuses du vagin sont très absorbantes.
Vous verrez qu’en testant vos capacités, vous les développerez. Vous affinerez vos sens et votre perception, ainsi que la connaissance et la maîtrise de votre corps. C’est aussi un peu d’amour que vous vous donnez : les femmes ont leurs règles et ce n’est pas une maladie ni une faiblesse. Cela peut devenir un moment intéressant, un moment beau, un moment où l’on est fière de découvrir ses capacités ou d’expérimenter quelque chose de nouveau.
Ne laissons plus les industriels gérer notre corps, reprenons le contrôle !
(article revu et originalement publié sur l’ancien blog de Léna Abi Chaker : voir free flow instinct ou flux instinctif libre)
— Notes —
1 Histoire médicale de la menstruation à la Belle Époque, J-Y Le Naour et C Valenti.
2 History of underwear, Mike Repplier.
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Prochainement, je proposerai des ateliers
Dans la région de Lausanne, Genève, Yverdon, Vevey et Lyon.
N’hésitez-pas à me contacter si vous êtes intéressé(e).
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