Créée pour produire une plus grande quantité d’huile, la nouvelle sélection génétique de tournesols « high oléic », qui pousse en Suisse aujourd’hui, produit malheureusement moins de nectar que les anciennes variétés. Cependant, son odeur continue, non sans danger, d’attirer les abeilles. Alors que les champs de tournesols étaient jadis de fabuleux garde-mangers pour ces pollinisatrices, avec la version 2.0, ces champs sont devenus des terrains dangereux, d’où les abeilles, faute de nourriture, ne reviennent pas toujours vivantes.
Une variété de tournesol moins riche en vitamine E
En plus d’offrir moins de nectar, un autre défaut de cette variété est qu’elle contient moins de vitamine E. C’est ce que nous apprend une publication récente de l’université de Fribourg. La molécule permettant de produire de l’huile serait la même qui permet de produire de la vitamine E. Ainsi, lors de la sélection génétique, il faut faire un choix : soit la plante produit davantage de vitamine E soit davantage d’huile.
La vitamine E est très utile pour la conservation, elle est antioxydante et permet de réduire le rancissement du produit. Dans notre alimentation, la vitamine E est également essentielle. La nouvelle huile de tournesol se conserve donc potentiellement moins bien et serait moins nourrissante.
Les anciennes variétés de tournesol, quant à elles, permettent aux abeilles de produire davantage de miel, une bonne quantité d’huile et apportent un bon équilibre en vitamine E.
Aujourd’hui, les champs de tournesol ne nourrissent plus les abeilles, et les apiculteurs, dont les besoins sont souvent ignorés du monde agricole et de la recherche agronomique, doivent encore trouver de nouvelles solutions pour la survie de leurs abeilles.
Que font les abeilles avec le pollen et le nectar ?
Les fleurs produisent du pollen et du nectar en différentes quantités, certaines fleurs produisent moins de nectar et davantage de pollen, ou inversement. Les abeilles sont attirées par le nectar et par le pollen.
Elles se servent du pollen principalement pour nourrir les larves.
Quant au nectar, celui-ci sert d’alimentation directe et pour faire du miel. Lorsque l’abeille se pose sur une fleur, elle prend du pollen sur ses pattes, nous pouvons le voir à l’oeil nu en observant une abeille. Elle prend également du nectar dans son jabot (sorte d’estomac) pour le transporter vers la ruche. Durant le vol de retour, elle peut consommer une partie de ce nectar pour avoir de l’énergie.
Si la distance à parcourir pour trouver du nectar est grande, les abeilles en consommeront davantage durant leur vol, et si une abeille vole loin et ne trouve pas de nectar ou pas suffisament pour parcourir le chemin de retour, elle meurt.
« Je vois parfois des abeilles mortes ou se déplaçant très lentement sur les fleurs de tournesol », raconte Jan Dudda, apiculteur dans le canton de Vaud. « Attirées par l’odeur du tournesol, elle viennent y chercher du nectar mais, comme cette nouvelle génération de tournesol produit moins de nectar, les abeilles semblent mourir par manque d’énergie pour retourner à leur ruche », précise l’apiculteur.
Si nous souhaitons protéger les abeilles, privilégions la qualité plutôt que la quantité. Planter les variétés de tournesol “anciennes” (pas si anciennes, car la variété High oléic n’a qu’une dizaine d’années) rapporte peut-être 25% d’huile en moins, mais permet de récolter plusieurs centaines de kilos de miel (selon la taille du champ). Les variétés traditionnelles permettent également de produire une huile de meilleure qualité, qui se conserve mieux et apporte davantage de vitamine E aux consommateurs.
Lier davantage apiculture et agriculture permettrait de favoriser la survie des abeilles tout en profitant d’une pollinisation amenant souvent une plus grosse récolte. Tout cela, sans oublier le miel !