Si on vous fait choisir entre payer des salaires pour arracher les mauvaises herbes ou payer moins cher sur le moment pour désherber chimiquement, mais en détruisant la fertilité de votre terre sur le long terme et donc vos revenus, vous pouvez vous dire que le choix est difficile.
Si on vous fait choisir entre payer des salaires pour arracher les mauvaises herbes ou payer moins cher sur le moment pour désherber chimiquement, mais en détruisant la fertilité de votre terre sur le long terme et donc vos revenus, vous pouvez vous dire que le choix est difficile.
Heureusement, dans la vie, il n’y a jamais que deux solutions. Si on a l’esprit créatif, il y a une troisième, voire une 4e, 5e, 6e,…option.
Comment trouver une troisième voie ? On peut se dire par exemple : “Le problème est la solution”, l’un des 12 principes de la permaculture, un principe fort stimulant face à un problème.
Alors si les mauvaises herbes étaient la solution, qu’est-ce que cela donnerait? Les mauvaises herbes ne font pas perdre d’argent, elles en font gagner! « Elles ne réduisent pas ma récolte, elle l’augmentent! » Pour cela, il suffit de les valoriser, en les mangeant par exemple. Mais on peut aussi en faire du purin, le purin d’orties étaient le plus célèbre et le plus efficace d’après certaines études participatives.
L’agriculteur se dira peut-être alors : « Mais si je veux les vendre, qui va utiliser du purin d’orties ou manger les mauvaises herbes? » Sur un grand terrain, on a vite trop de touffes vertes, comment les valoriser ?
Cette question peut nous faire penser à un autre des 12 principes de la Permaculture (site asso de permaculture) : “intégrer plutôt que ségréguer”, et il y a aussi, “valoriser les marges”, la marginalité, la diversité. Notre mission est donc d’intégrer ces mauvaises herbes dans notre système (agricole, alimentaire, économique,…) pour qu’elles nous deviennent utiles (utiles de manière visible, comme nous le verrons plus bas).
Pour intégrer ces touffes vertes incongrues, on pourrait commencer par les appeler adventices plutôt que mauvaises. « Adventices », celles qui adviennent apparemment sans raison et pourtant pour une raison précise, d’un point de vue technique. Les adventices adviennent entre les cultures car elles peuvent y germer, les graines sont là depuis longtemps, elles ne germent que sous certaines conditions : sol nu, sol carencé en nutriments, etc.
Ainsi, les adventices ont déjà un premier rôle, celui de “plantes indicatrices”(1), c’est à dire qu’elles nous renseignent sur la qualité de notre sol.
Voilà déjà un point pour vous adventices! Mais pourquoi ne pas vous éliminer après avoir lu votre indication? Que pouvez-vous apporter d’autre?
On devrait plutôt se demander ce qu’elles peuvent apporter de manière “visible”, car les adventices sont peut-être déjà utiles de manière invisible, en nourrissant les abeilles par exemple. Tiens, et si on posait des ruches? Nous pourrions avoir du miel en plus de nos récoltes, d’ailleurs, les abeilles fertilisent aussi les cultures (selon le type de culture, le sarrasin par exemple doublerait son rendement grâce à la proximité de ruches). Par conséquent, ce que l’on perd au niveau des cultures, nous pouvons le gagner au niveau des abeilles et du miel, c’est aussi un apport économique intéressant !
Tout cela ne répond pas à la question de qui va manger ces adventices. Et d’abord pourquoi les manger?
Une petite récolte d’orties, enveloppées dans une feuilles de tussilage, pour ne pas me piquer.
Vous vous en doutez peut-être, les plantes sauvages son pleines de nutriments. Vigoureuses commes elles sont, survivant parfois au gel. Les sauvages sont plus robustes que les plantes de cultures, c’est certainement pour cette raison qu’elles elles poussent si bien… et souvent mieux que ce qu’on cultive.
Au niveau nutritif, elles sont plus concentrées en vitamines et minéraux. On y trouve également davantage de protéines. L’ortie est par exemple une championne en calcium, vitamine C et protéine, qui n’a rien à envier au lait, au citron et au soja. En fait, les plantes sauvages sont des superfood avant l’heure, locales et gratuites.
Après avoir informé l’agriculteur de cette bonne nouvelle, il ne reste plus qu’à informer les consommateurs pour qu’ils soient intéressés à en acheter. Ou alors on peut procéder à l’inverse: les consommateurs informés peuvent demander à leur agriculteur préféré de les fournir en stellaire (le mourron), en galinsoga et en pourpier (qui poussent si bien avec les tomates), en pissenlit et bien-sûr, en orties. Ces dernières se vendent déjà 100 chf/100€ le kilo en poudre. Pourquoi cultiver du canabis illégalement si on peut dealer des orties et faire du bien au gens (puisque c’est si bon pour la santé)?
On pourrait aussi avoir des cuisiniers et restaurateurs qui créent des recettes inspirantes, certains le font déjà. Enfin, un jour peut-être, des industries agro alimentaires nous proposeront des cookies, des pizzas et des spaghettis aux plantes sauvages. Il leur faudra trouver des fournisseurs pour des tonnes d’adventices, quel paysan sacrifierait alors une ressource économique en détruisant les « mauvaises » herbes ?
Dans un monde idéal, les cantines des écoles et même les hôpitaux serviraient des plantes sauvages. L’hôpital pourrait même chercher à combler les carences en nutriments de ses patients grâce à ces superfood sauvages. Les établissements médicaux pourraient viser ainsi un rétablissement plus rapide de leurs patients, ce qu’ils ne font pas actuellement vu que d’une part la nourriture des hôpitaux est insipide, certainement faible en micro nutriments et les hôpitaux ne font pas de bilans poussés pour combler les carences en minéraux et en vitamines des patients, des éléments pourtant utiles au bon fonctionnement du corps et de son immunité.
Poussant sans fertilisants et parfois sans arrosage, les plantes sauvages valorisées ont un énorme potentiel économique. On pourra donc payer des employés pour les ramasser et les vendre, plutôt que d’acheter des poisons à déverser sur les sols. L’économie locale et l’emploi s’en porteraient mieux.
Pour cela, il suffit de faire une place à ces plantes dans nos têtes et dans nos assiettes.
Si vous voulez vous lancer dans l’aventure, formez-vous en plantes sauvages!
- Avec des livres
- Des sites web (voir également sur ce site l’article sur les plantes sauvagesz
- Des stages, des sorties plantes sauvages dans votre région (j’en organise, dans votre potager ou en forêt). Avoir une personne qui vous montre les plantes, les toucher, les sentir, c’est la meilleure manière d’apprendre vite et en toute sécurité.
- Des visites aux jardins botaniques s’ils ont une section correspondante (celui de Genève a une section plantes utiles qui expose des plantes sauvages comestibles et des toxiques, qu’il est aussi important de connaître).
- Il existe aussi des applications mobile, tel que plant@net pour identifier les plantes, si vous avez un potager, c’est l’occasion de découvrir de nouveaux légumes et salades.
Précautions
Commencez avec précaution, il vaut toujours mieux avoir une personne qui s’y connaît pour identifier les plantes. Pour les goûter la première fois, prenez votre temps, ne les mélangez-pas, pour sentir leur parfum et leurs saveurs, pour bien rencontrer et connaître la plante, pour ne pas se tromper. Attendez-vous à un goût amer qui demande une rééducation du palais (qui a oublié les goûts naturels pourtant si quotidiens avant l’ère industrielle), on s’habitue vite et on y prend goût !
Et si ça pique ou ça brûle, crachez, ce n’était pas la bonne plante! Notre système de sélection naturel connaît les plantes sauvages, c’est certainement gravé dans notre ADN depuis le temps que l’être humain côtoie ces plantes. Cependant, connaître les plantes toxiques est quand même capital, on ne sait jamais, certaines peuvent être dangereuses à de très faibles quantités et on ne devrait pas les goûter. Mieux vaut éviter les risques. D’autres n’ont peut-être pas de goût désagréable (cela m’étonnerait mais on ne sait jamais), normalement, le goût est une réaction du corps, un signal, face à des éléments chimiques.
Plantes sauvages, alliées de nos potagers ?
Il existe des livres sur le sujet. Un autre aspect des plantes sauvages est qu’elles peuvent être intégrées au concept de plantes compagnes. Ce concept apporte l’idée que les plantes peuvent s’entre-aider, par exemple, le haricot apporte du nitrate dans le sol en fixant l’azote de l’air, ce qui profite à la courge cultivée en co-culture avec une légumineuse comme le haricot. Les plantes sauvages pourraient avoir des effets similaires sur nos cultures. Voilà un vaste sujet d’étude ou d’observations à partager de manière participative.